Le reportage de patrouille

Le point de vue du chef de troupe
Ou : l’intérêt de vivre des Aventures Vraies

Thomas Fauré

Une thématique d’Aventure…

La vie scoute est faite d’aventure et c’est elle qui va réveiller le meilleur en chacun de tes scouts. C’est d’ailleurs le propre du scoutisme que de puiser son imaginaire dans la vie des aventuriers, des broussards, des éclaireurs… Ceci, BP nous le rappelle dans les premières pages d’Eclaireurs en nous décrivant ce qu’il entend par éclaireur.

Toi, chef de troupe, tu es l’aventurier, le meneur d’homme, le vrai « routard » (« en service » ;-)) qui va montrer la voie à tes garçons ; et tu vas mener ta troupe tout au long de l’année, en t’appuyant sur le thème d’année choisi en CDH, vers l’aventure du grand camp d’été !

Ce qui est bien dans l’aventure c’est qu’elle peut prendre mille facettes, et reste ainsi un thème inépuisable. En fait, tout jeu scout, toute activité de patrouille ou de troupe doit être ou préparer une aventure. C’est dans ce cadre que je te propose ici de commenter l’article paru dans le SDE à propos du reportage de patrouille.

Je te propose une relecture de cet article à la lumière de la pédagogie scoute et d’en tirer des enseignements importants qui restent valables pour tous les défis ou aventures que vont vivre des patrouilles. En particulier, je veux t’aider à bien préparer ces aventures avec tes CP – clef de la réussite et de la progression de chacun.

Un « bon » jeu

Ainsi le reportage de patrouille qu’une de tes patrouilles veut vivre doit être pour elle une aventure vraie, un jeu exaltant.

Pour toute aventure il faut un thème, ce que je te propose ici est la thématique des reporters. C’est typiquement une bonne thématique de jeu :

elle propose aux jeunes d’imiter les adultes dans une de leurs activités, c’est le principe même du jeu chez l’enfant et l’adolescent ;

  • elle demande de la technicité et de l’entraînement, ce qui implique de vraies responsabilités pour les scouts (traduits par les postes d’action) ;
  • elle peut réveiller chez tes scouts une vocation vers le journalisme, la communication, la télévision, la radio…
  • C’est un jeu sérieux avec un résultat concret et palpable (le film), c’est une activité de création, de même que la peinture, la sculpture ou encore la musique peuvent l’être.

On doit pouvoir retrouver ces critères dans chacune des autres aventures. En fait, le jeu scout est utilisé comme un tremplin pour développer le jeune en direction des cinq buts du scoutisme.

Une aventure formatrice

Rappelons qu’il est essentiel que toute activité scoute tende vers ces 5 buts.

Il arrive, comme ici, que l’activité ou l’aventure choisie ne prenne pas en compte tous les buts du scoutisme, c’est tout à fait normal. Il t’appartient de veiller à rééquilibrer l’activité en fonction de cela.

Ainsi, en jouant aux reporters, tes éclaireurs vont pouvoir développer :

  • leur caractère (jugement personnel) : c’est l’un des 5 buts du scoutisme[1], et tu as un bon moyen d’éduquer leur regard critique sur l’information qui passe à travers les médias (télévision, radio, journaux) : comment sont orientées les questions ? Comment sont sélectionnées les images ? Ne pourrait-on pas contrebalancer ce que dit le journaliste ou ce que présente le reportage ?
  • leur habileté technique (également l’un des 5 buts) : en apprenant des techniques précises et demandant de l’application. Et notamment leur observation en regardant les reportages télévisés avec un autre regard : celui du journalisme en herbe : le caméraman va observer les plans, le monteur, l’enchaînement, le journaliste, les questions posées lors des interviews… 
  • Mais également : leur sens des autres qui est le commencement du sens du service, cela va leur demander d’aller à la rencontre des hommes, d’être à l’écoute.

Ainsi, tu veilleras à ce que le sens de Dieu et la santé soient également deux buts qui soient visés au cours du défi :

La santé se travaillera en faisant du campisme et quelques petits jeux sportifs de « récréation ». Quant au sens de Dieu : pourquoi ne pas changer un tant soi peu le programme pour aller visiter le curé de la paroisse, l’interviewer lui aussi, l’architecture de la vieille abbatiale vaut certainement le détour ! Sans oublier la prière quotidienne et la participation à la messe le dimanche.

5 moteurs en points de repères

Afin de « penser chef scout », pense souvent aux 5 moteurs que propose notre pédagogie. S’ils sont tous réunis, c’est la réussite assurée !

Intérêt : si tu intéresses ton CP, si tu suscites en lui l’envie de relever le défi du reportage, alors la moitié du travail est fait, tout le reste coulera de source ! A lui ensuite d’intéresser ses garçons, pour cela, le chef de troupe doit faire preuve d’imagination ! A toi de lire des romans d’aventures, de te renseigner sur telle ou telle expédition moderne ou passée, à toi de trouver la matière des futures aventures scoutes. C’est ton métier et… c’est le plus beau métier du monde que celui d’éveiller l’intérêt chez les jeunes garçons.

  • Action : les garçons, à l’âge éclaireur, ont besoin de se dépenser, courir, marcher, construire, jouer et se battre… bref : ils ont besoin d’action ! C’est grâce à l’action qu’on va parvenir au à l’habileté technique et au sens du concret. Le reportage, c’est de l’action : il faut préparer, travailler, filmer, présenter, monter le film, enregistrer une bande son, etc. C’est concret et précis : parfait !
  • Patrouille : la vie en patrouille est une nécessité. Baden Powell nous explique pourquoi : « Le but principal du système des patrouilles est de donner une véritable responsabilité au plus grand nombre de garçons, pour leur développer le caractère. » Ainsi, 6-8 garçons est un bon nombre, nécessaire et suffisant, pour que les garçons s’épanouissent au maximum. D’où l’intérêt du « défi de patrouille », comme le reportage ; c’est aussi pour cela que les défis cimes se font en patrouille.
  • Jeu : tout ou presque tout doit être vécu comme un jeu dans la vie scoute, à commencer par la vie de patrouille. Le reportage est un jeu, un défi est un jeu. C’est un jeu qui se joue sérieusement, mais cela reste un jeu. Le propre d’un jeu chez un enfant (a fortiori pour un adolescent) c’est d’imiter l’adulte : le garçon joue à se faire des cabanes, en imitant les adultes qui se fabriquent des maisons ; le garçon joue au chef cuisinier avec le concours cuisine ; à l’explorateur en exploration ; au broussard en raid ; au chevalier, viking, en grand jeu, etc… Les exemples sont multiples. Ici, les scouts de la patrouille vont jouer aux reporters, pourquoi ne pas étendre l’imaginaire en parlant des « reporters embusqués », des « reporters sans frontières »…
  • Conseils : toute action doit être décidée et conclue en conseil. Ainsi le conseil de patrouille a une place primordiale dans la décision et la répartition des tâches pour le défi. Tous les conseils donnés aux CP personnellement vont se traduire en discussions et décisions au conseil de patrouille. Si le défi est relevé, la cour d’Honneur récompensera la patrouille ; si elle échoue, la CDH jouera son rôle d’analyse également, afin de réussir la prochaine fois ! La pédagogie du conseil a deux intérêts : tout d’abord elle permet un apprentissage de la hiérarchie et de l’autorité, autant pour les patrouillards que pour le CP ; ensuite elle permet également aux garçons de tirer des conclusions sur tel ou tel échec ou succès, c’est un outil de discernement et de formation du caractère également.


Patrouille en conseil

Comment aider le CP ?

Comme tout défi ou aventure que vit la patrouille, tu tiens ta place par l’aide que tu peux apporter au CP. Une fois les objectifs fixés en Cour d’Honneur, tu peux rencontrer le CP à plusieurs reprises :

  • Tout d’abord c’est le brainstorming, le CP doit te dire ce qu’a pensé la patrouille pour son défi, quelles sont leurs idées, s’ils ont déjà une vue précise sur ce qu’ils veulent faire, s’ils ont un terrain, des contacts, etc. Bien sûr, cela suppose que le CP ait convoqué le conseil de patrouille avant de venir te voir…
  • A l’issue de cette entrevue, tu peux essayer de cadrer un peu les idées des garçons : limiter les folies et proposer d’aller plus loin dans tel et tel domaine : par exemple, les garçons veulent filmer leur explo de patrouille, ont-ils pensé à préparer des interviews et à élaborer un scénario avant de partir ? Fixe ainsi avec le CP le cadre précis du défi : que vont-ils faire, comment vont-ils le faire.
  • Ensuite, demande au CP de réfléchir à la répartition des postes d’action avec ses patrouillards. Il va réunir à nouveau son conseil de patrouille pour : présenter le recadrage du défi, voir s’il y a des réactions, puis discuter des charges de chacun.
  • Une fois ce travail effectué, le CP revient te voir pour une troisième fois, vous établissez alors ensemble un tableau de planning, avec des responsabilités précises pour chacun, étalées dans le temps. Voici ci-dessous le tableau de planning monté pour le reportage de patrouille présenté dans Scout d’Europe :
 


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C’est grâce à ce tableau que le CP va pouvoir bien y voir clair dans son organisation. Il peut donner ainsi à chaque garçon une « fiche de mission », et surtout suivre au fur et à mesure de l’avancée du trimestre la progression du défi. En fait, en procédant ainsi, tu formes les CP à gérer un projet, chose qu’ils seront amenés à faire dans leur métier, c’est très probable, dans leur vie de famille, c’est certain !

Cette méthode de mise au point d’un projet, simple et efficace, est à appliquer pour tous les projets de patrouilles, en particulier les défis cimes (technique ET mission), mais aussi pour les grands projets de troupe.

Alors, bon défi et en avant pour l’aventure !

Thomas.

 

[1] Les 5 buts du scoutisme : Santé, développement du caractère, habileté technique ou sens du concret, sens du service, sens de Dieu