Mot de Michel Menu aux éclaireurs de la FSE en 1990

Marcher devant.
Toujours devant.

On était pourtant persuadé, au début du XIXe siècle, qu’il ne restait plus nulle part, sur la planète, aucune terre fertile à découvrir. On s’y résignait et, en plus d’un lieu même, on commençait à avoir peur... de la vie. Lorsque, après vingt mois d’obstination héroïque, dans un raid de plus de 5 000 kms, Lewis et Clark eurent réussi à franchir les montagnes rocheuses et à atteindre le Pacifique, il y eut, soudain, quelque chose de changé dans le monde des explorateurs. Une brèche venait d’être ouverte dans le mur... du pessimisme ! Depuis, le grand ouest américain a nourri des centaines de millions d’humains.

En 1917, alors que les experts estimaient plus que risquées toutes tentatives de traversée de l’Atlantique en avion, Charles Lindbergh s’envola de New-York et, après 33 heures de lutte incessante, seul à bord, aux commandes de son petit monomoteur, arriva le 21 mai au Bourget. Ce soir-là, il y eut quelque chose de changé à tout jamais dans le monde des pilotes. Une percée venait d’être faite dans le monde de l’impossible ! Les grandes routes du ciel étaient ouvertes.

Dans un camp d’extermination comme ceux que la folie humaine avait construits pendant la guerre, alors que tout un chacun ne pensait plus qu’à sauver sa peau, fût-ce au prix de celle de son voisin, un prêtre catholique, Maximilien Kolbe, prit la place d’un condamné à mort immédiate. Par ce geste, d’un coup, le barrage de la barbarie venait d’être dépassé. On pouvait à nouveau croire à la noblesse de l’homme, quand il règle ses pas sur ceux du Christ.

Ça n’est jamais par hasard que l’humanité prend la route qui monte plutôt que celle de la désespérance ou des bas-fonds, ni même parce qu’elle dispose de grands moyens matériels. Jamais. On a vu bien des peuples riches... se vautrer.

Pour qu’une communauté humaine passe de la résignation au courage ou de l’inertie à l’action, il lui faut toujours un homme ou une poignée d’hommes qui marchent devant ! Toujours.

Il y a tant de forceurs de barrages en chair et en os, des vivants qui posent des actes libérateurs, des “éclaireurs”. C’est ce qu’ont voulu devenir les premiers scouts, en se mettant dans le sillage des chevaliers. Ils ont rendu la joie de vivre à des millions de jeunes qui, au service du pays et de l’Eglise, ont donné le meilleur d’eux-mêmes. C’est aussi ce qu’ont tenté d’être les raiders scouts en 1949, alors qu’après avoir subi les séquelles de la plus terrible guerre de l’histoire, le scoutisme passait par une phase dépressive. Ceux qui en avaient le plus besoin, les jeunes mâles de 15 ans, commençaient à s’en détourner. Ça devenait une affaire... de gosses.

Les mentalités avaient, évidemment, changé depuis un demi-siècle et, pour remettre en valeur l’idéal du scoutisme, il était devenu nécessaire d’en présenter la conquête sous des formes adaptées à ces mentalités. Mais il fallait surtout, bien sûr, susciter des marche-devant qui ouvrent une brèche dans le mur de la morosité et de l’inertie.

Les jeunes rêvaient alors d’actions d’éclat, de sports vigoureux, d’aventure vraie.

C’est en se mettant à l’école des héros qui venaient de libérer l’Europe, dans le sillage des conquérants du ciel, sur les traces de ceux qui avaient fait de la Foi le but suprême de leur vie, que les raiders ont gagné cette bataille. En créant, avec les cinq brevets raiders de hautes qualifications (sportif, woodcraft, sauveteur, mécanicien, missionnaire) un prototype, un modèle de scoutisme battant, ils ont rendu au mouvement sa dynamique exaltante et son rayonnement missionnaire. En moins de dix ans, le nombre des candidats au scoutisme a doublé !

En proposant à leurs troupes les plus ardentes de se lancer dans l’aventure des patrouilles cimes et des raiders scouts, les Scouts d’Europe tournent, courageusement, leur regard vers l’avenir. Ils savent que le progrès est une question d’hommes et ils veulent donner leur chance aux meilleurs.
Du Nord au Sud de notre continent et de l’Est à l’Ouest, il y a, en effet, aujourd’hui, des centaines de milliers de jeunes qui attendent que des audacieux leur ouvrent des pistes nouvelles. Ils ne se contenteront pas de héros qui ne brillent que dans les boîtes à flipper ou de ces caricatures de commandos qui se pavanent en grosses godasses... sur nos trottoirs. Ils veulent du vrai ! Des sports qui payent, des responsabilités sans jeux de mots, des services concrets.

Lorsqu’ils entendent un Pape leur dire : “N’ayez pas peur !”, ils sont des centaines de milliers à renouer avec l’espérance. Mais il leur faut trouver des moyens de recouvrer leur liberté. Il suffirait que quelques-uns d’entre eux se décident à percer une brèche dans le mur du doute ou de la passivité. Les raiders scouts sont faits pour ça !

Quand ils sautent en parachute, les raiders scouts ne se prennent pas pour des héros. Ils se rangent dans le clan de ceux qui savent que le goût du risque ne s’apprend pas au cinéma... Ils sont de ceux qui, dans l’ordre du service ou de la Foi, préfèrent les actes clairs aux baratins alambiqués.
A 15 ans, on a déjà en soi tout l’homme qu’on rêve de devenir. Le tout est de trouver le moyen de vaincre sa timidité pour passer du rêve à la réalité, sans attendre du hasard... un miracle. Il y a en tout garçon de 15 ans des fleurs et des fruits qui ne demandent qu’à jaillir. Plus est en nous qu’on le croit souvent. Il sort toujours quand y met sa tête, son coeur et ses bras. Les raiders scouts sont taillés sur mesure pour ceux qui veulent jouer leurs 15 ans tous neufs sur une ascension authentique.

Les Scouts d’Europe se sont activement préparés, depuis deux ans, à cette aventure. La qualification des premières patrouilles cimes, l’investiture des premiers raiders constituera pour eux, à n’en pas douter, le premier pas d’un grand bond en avant !

Raiders... go !

Michel Menu,
septembre 90.